Les premiers rhums distillés dans l’habitation du “Trou Vaillant” en Martinique sont exportés en Amérique du Nord sous le nom de Rhum Saint James.
1765
En 1765 la Martinique est devenue l’une des « isles à sucre » les plus productives des Caraïbes.
Sur la côte ouest de l’île, au pied de la Montagne Pelée, les Frères de la Charité gèrent l’hôpital du Fort Saint-Pierre, à la demande du roi Louis XV, pour soigner, en priorité, les militaires, mais aussi les nécessiteux. Pour les besoins de l’hôpital, le supérieur de la congrégation, le Père Edmond Lefébure, a fait construire une sucrerie juste à côté, au lieu-dit Trou Vaillant. Et comme le veut la tradition, la sucrerie a engendré la création d’une « vinaigrerie » où l’on distille les résidus de mélasse pour obtenir de la guildive ou tafia (taffia). Eminents, le Père du Tertre et le Père Labat, botanistes à leurs heures, ont déjà travaillé sur la distillation et fait venir des alambics de France pour améliorer la qualité de ces alcools quelque peu rustiques, réservés aux flibustiers et à la main d’oeuvre servile…
Le Père Lefébure qui a, de toute évidence, mesuré le potentiel de cette eau-de-vie de canne, décide de poursuivre leur oeuvre et s’emploie à produire un rhum digne de ce nom. Dans les archives, un descriptif précis de différentes qualités d’eaux-de-vie laisse à penser que le rhum agricole de la Martinique est en train de naître… Homme de foi, mais aussi bon gestionnaire, le Père Lefébure a le sens des affaires. Il confie le commerce des excédents de rhum à l’un de ses « frères », le Père Gratien, qui n’a d’autre choix que de proposer la production du Trou Vaillant aux colonies anglaises d’Amérique du Nord, proches géographiquement, car les expéditions de « Tafia » sont interdites vers la France depuis l’édit de janvier 1713 (jusqu’en 1803), pour éviter déconcurrencer les eaux-de-vie de vin. Mais qu’il est difficile de prononcer « Trou-Vaillant » en anglais ! Or dans le domaine, chaque « habitation » porte un nom différent et l’une d’entre elles, proche du fameux Trou-Vaillant, s’appelle Saint Jacques. En anglais, Jacques, c’est James (issu du bas latin Jacomus), un prénom que les Anglais ont ramené de France après les conquêtes normandes du XIe siècle. Alors quoi de plus normal, pour ces hommes de Dieu, que de choisir le nom d’un saint pour baptiser leur rhum ! Le rhum Saint James est né.